Une étude anatomo-fonctionnelle de l'interactivité entre le lobule paracentral et le cortex moteur primaire

Lobule paracentral et gyrus précentral principal impliqués dans la motricité

Recherche en neurochirurgie : étude anatomo-fonctionnelle des connexions entre le lobule paracentral et le cortex moteur primaire

Ces dernières années, les chercheurs ont exploré les connexions entre différentes régions du cerveau humain, en particulier celles impliquées dans la fonction motrice et sa plasticité. Il est connu que le lobule paracentral (PCL) et le cortex moteur primaire (M1) jouent un rôle important dans la production du mouvement et sont étroitement liés. Cette étude vise à approfondir la compréhension des liens anatomiques et fonctionnels entre le lobule paracentral et le cortex moteur primaire, ainsi que leur relation avec la fonction motrice.

Objectifs et contexte de l’étude

Cette étude a été menée conjointement par Yusuke Kimura, Shoto Yamada, Katsuya Komatsu, Rei Enatsu et d’autres chercheurs de l’Université de médecine de Sapporo, de l’Hôpital médical général Obihiro, du Centre médical de Sunagawa et du Centre médical pour la santé et la réadaptation des enfants de Hokkaido. Elle a été publiée dans le Journal of Neurosurgery. L’objectif principal était de clarifier les connexions anatomiques et fonctionnelles entre le lobule paracentral (comprenant l’aire motrice supplémentaire, SMA) et le cortex moteur primaire (M1).

Le lobule paracentral contient l’aire motrice supplémentaire, qui joue un rôle important non seulement dans la préparation et l’intention du mouvement, mais montre également un rôle pertinent dans la plasticité de la fonction motrice. Les premières études, menées par Penfield et d’autres, ont découvert M1 et SMA par stimulation électrique, concluant que l’aire motrice supplémentaire est une région liée au mouvement. Cependant, des recherches récentes ont montré que l’augmentation de l’activité du lobule paracentral est étroitement liée aux lésions motrices et suggèrent qu’il pourrait être une cible potentielle pour la réadaptation.

Méthodes de recherche

Conception de l’étude et sélection des patients

Il s’agit d’une étude rétrospective non randomisée, dans laquelle 257 patients opérés à l’Université de médecine de Sapporo entre avril 2019 et juillet 2023 ont été criblés. Au final, 16 patients (10 hommes et 6 femmes, âgés de 11 à 76 ans) avec des lésions proches de la scissure centrale nécessitant une craniotomie transhémisphérique ont été inclus. Tous les patients et leurs familles ont donné leur consentement éclairé.

Acquisition et traitement des données IRM et IRMf

Les données ont été acquises à l’aide d’un scanner IRM 3,0 T Signa HDxt. Les conditions d’imagerie du tenseur de diffusion (DTI) comprenaient : 18 directions de gradient de champ, champ de vue 220 mm, matrice 128x128, épaisseur de coupe 2,4 mm, valeur b maximale 1000 sec/mm2. Les conditions d’IRMf : TR 3000 ms, TE 30 ms, matrice 64x64, épaisseur de coupe 3,0 mm, taille de voxel 3x3x3 mm. Les patients ont effectué une tâche de tapotement avec les doigts pendant l’acquisition.

Les images DTI et d’activation IRMf ont été superposées aux images IRM structurelles, et traitées à l’aide du logiciel iPlan Cranial de Brainlab pour définir les régions d’intérêt (ROI).

Placement des électrodes et mesures CCEP

Pendant l’intervention, des électrodes en platine ont été placées sur le gyrus précentral (PCG) et le lobule paracentral (PCL), avec un système de neuronavigation pour un positionnement précis dans les ROI définies en préopératoire. Un système MeE 1232 neuromaster à 32 canaux a été utilisé pour mesurer les potentiels évoqués cortico-corticaux (CCEP). Pendant les mesures, les CCEP ont été enregistrés par stimulation bipolaire.

Mesures électrophysiologiques et analyses des données

La fonction motrice des membres supérieurs et des mains a été évaluée avant et après l’opération en utilisant le test musculaire manuel (MMT). Les amplitudes et latences des CCEP ont été comparées entre les groupes de patients (hémisphère dominant/non dominant, hommes/femmes, paralysie motrice/non paralysie). De plus, les corrélations entre les amplitudes et latences des CCEP et le nombre de fibres, la longueur moyenne et l’anisotropie fractionnelle (FA) mesurés par DTI ont été évaluées.

Résultats de la recherche

Résultats d’imagerie

L’imagerie DTI a visualisé les connexions de fibres entre le lobule paracentral et le cortex moteur primaire chez 14 patients, avec une valeur FA moyenne de 0,335, un nombre moyen de fibres de 14 et une longueur moyenne de fibres de 66 mm.

Résultats des mesures CCEP

Des réponses CCEP unidirectionnelles ont été obtenues chez les 16 patients, et 14 d’entre eux ont montré des réponses CCEP bidirectionnelles, sans complication liée au positionnement des électrodes ou à la stimulation. Il n’y avait pas de différence significative entre les amplitudes des CCEP dans le sens M1 vers PCL et PCL vers M1. L’évaluation post-opératoire de la fonction motrice a révélé 3 patients présentant un déficit moteur, dont 2 se sont améliorés cliniquement.

Analyses statistiques

Le test de corrélation de Spearman n’a pas révélé de corrélation significative entre l’amplitude des CCEP et la FA moyenne. Les latences des CCEP dans les deux directions (de M1 à PCL et de PCL à M1) n’ont pas non plus montré de corrélation significative avec la longueur des fibres. De plus, aucune différence significative des paramètres CCEP n’a été observée entre les hémisphères dominant et non dominant.

Discussion

Cette étude a combiné pour la première fois l’imagerie DTI et les mesures CCEP bidirectionnelles pour explorer les connexions anatomiques et fonctionnelles entre le lobule paracentral/aire motrice supplémentaire et le cortex moteur primaire. Les résultats ont montré l’existence de connexions électrophysiologiques bidirectionnelles entre ces régions, avec des différences interindividuelles. Ces différences pourraient suggérer une variabilité dans la plasticité de la fonction motrice lors de la récupération.

Une découverte importante de cette étude est le rôle de l’AMS dans l’intention et la préparation du mouvement, confirmé par l’observation de paralysies temporaires chez certains patients après l’opération, soutenant le rôle clé de l’AMS dans la préparation motrice.

Bien que cette étude présente certaines limites, comme une petite taille d’échantillon, un biais de sélection et des contraintes de positionnement des électrodes, elle fournit une base importante pour de futures recherches sur la plasticité de la fonction motrice.

Conclusion

Les résultats de l’étude ont révélé des connexions anatomiques et fonctionnelles bidirectionnelles entre le lobule paracentral, comprenant l’aire motrice supplémentaire, et le cortex moteur primaire (M1). Ces découvertes ouvrent non seulement de nouvelles perspectives pour explorer la complexité des réseaux de la fonction motrice, mais jettent également les bases pour des stratégies de réadaptation ciblées en clinique. Les recherches futures devraient élargir la taille de l’échantillon et intégrer d’autres techniques d’imagerie et d’électrophysiologie pour approfondir la compréhension de la connectivité des réseaux cérébraux impliqués dans la fonction motrice.


Explications des termes spécifiques : - CCEP (cortico-cortical evoked potential) : Potentiel évoqué cortico-cortical, utilisé pour mesurer les connexions fonctionnelles entre les régions cérébrales. - DTI (diffusion tensor imaging) : Imagerie du tenseur de diffusion, analyse la diffusion des molécules d’eau dans la substance blanche cérébrale. - FA (fractional anisotropy) : Anisotropie fractionnelle, reflète la directionnalité de la diffusion des molécules d’eau.