Associations des estimateurs d'âge épigénétique avec les trajectoires de la fonction cognitive dans l'étude de la mémoire de l'Initiative pour la santé des femmes

Association entre les estimations de l’âge épigénétique et la trajectoire des fonctions cognitives dans l’étude sur la mémoire des femmes en bonne santé

Introduction

Le maintien des fonctions cognitives est essentiel pour une vie indépendante chez les personnes âgées. Avec l’augmentation de la population vieillissante, le déclin cognitif est devenu un défi majeur de santé publique. De nombreuses études ont montré que divers facteurs de risque modifiables et non modifiables, tels que le niveau d’éducation, le statut socio-économique, l’activité physique, les maladies cardiovasculaires (MCV), les facteurs de risque cardiovasculaire, les capacités auditives et les facteurs génétiques (comme l’APOE e4), sont associés au déclin cognitif. Cependant, les mécanismes moléculaires impliqués dans le processus de vieillissement, en particulier l’accélération de l’âge épigénétique, et leur relation spécifique avec le déclin cognitif ne sont pas encore complètement compris.

Estimation de l’âge épigénétique

Les estimations de l’âge épigénétique sont des biomarqueurs basés sur la méthylation de l’ADN (DNAm) qui permettent de capturer les processus biologiques liés au vieillissement. Des études ont montré que l’accélération de l’âge épigénétique est prospectivement associée à une mortalité plus élevée, à un risque accru de coronaropathie (CHD) et à divers phénotypes liés au vieillissement tels qu’une fonction physique altérée, la fragilité et le cancer. Cependant, peu d’études ont examiné l’association entre l’accélération de l’âge épigénétique et les fonctions cognitives, la plupart étant des études transversales ou des études longitudinales avec peu de mesures répétées et une période de suivi courte. Il est donc important d’explorer l’association entre l’accélération de l’âge épigénétique et la trajectoire des fonctions cognitives chez les personnes âgées.

Source de l’étude

Cette étude a été menée par Steve Nguyen, Linda K. McEvoy, Mark A. Espeland, Eric A. Whitsel, Ake Lu, Steve Horvath, Joann E. Manson, Stephen R. Rapp et Aladdin H. Shadyab, entre autres, provenant de diverses institutions renommées aux États-Unis, notamment l’University of California San Diego, Wake Forest University, University of North Carolina, Altos Labs, Harvard Medical School et Kaiser Permanente Washington Health Research Institute. L’article a été publié dans la revue Neurology en 2024.

Méthodologie de l’étude

Participants et sources de données

L’étude a inclus des femmes âgées de l’étude sur la mémoire de l’initiative de santé des femmes (Women’s Health Initiative Memory Study, WHIMS), dont les données de méthylation de l’ADN ont été recueillies entre 1995 et 1998, suivies pendant 13 ans. Les fonctions cognitives globales de ces femmes ont été évaluées chaque année à l’aide du Mini-Examen de l’État Mental Modifié (Modified Mini-Mental State Examination, 3MS, 1995-2007) et de l’Entretien Cognitif Téléphonique Modifié (Modified Telephone Interview for Cognitive Status, TICs-M, 2008-2021).

L’échantillon comprenait 795 participantes, avec un âge moyen de base de 70,8 ± 4 ans, dont 10,7% étaient noires, 3,9% étaient hispanique ou latino, et 85,4% étaient blanches.

Estimations de l’âge épigénétique

L’étude a calculé cinq estimations de l’âge épigénétique:

  1. Accélération de l’âge épigénétique extrinsèque (Extrinsic Epigenetic Age Acceleration, EEAA)
  2. Accélération de l’âge épigénétique intrinsèque (Intrinsic Epigenetic Age Acceleration, IEAA)
  3. AgeAccelPheno
  4. AgeAccelGrim2
  5. Dunedin Pace of Aging (DunedinPACE) calculé à partir de l’épigénome

Parmi celles-ci, l’EEAA et l’IEAA sont des estimations de première génération de l’âge épigénétique, tandis que l’AgeAccelPheno et l’AgeAccelGrim2 sont des estimations de deuxième génération. Le DunedinPACE capture le rythme de vieillissement de plusieurs systèmes d’organes à l’aide d’une série de biomarqueurs.

Traitement des données et méthodes d’analyse

L’étude a utilisé des modèles linéaires à effets mixtes (Linear Mixed-Effects Models, LMMs) pour estimer les associations longitudinales entre les estimations de l’âge épigénétique et les fonctions cognitives. Les modèles comprenaient des ajustements minimaux et complets, ces derniers incluant l’âge, l’éducation, la race ou l’origine ethnique, ainsi que la consommation d’alcool, le tabagisme, l’indice de masse corporelle (IMC) et les comorbidités. De plus, l’effet modificateur du statut de porteur de l’APOE e4 a été pris en compte.

Résultats de l’étude

Principales découvertes

  1. Association entre DunedinPACE et le déclin cognitif: L’étude a révélé qu’une augmentation d’un écart-type (0,12 unité) du DunedinPACE était associée à un déclin plus rapide des scores TICs-M chaque année. Cette association était significative dans les modèles avec ajustements minimaux et complets. De plus, une augmentation du DunedinPACE était également liée à une diminution des scores 3MS chez les porteurs de l’APOE e4, mais pas chez les non-porteurs.

  2. Autres estimations de l’âge épigénétique: L’AgeAccelPheno était associé à une diminution des scores TICs-M dans le modèle avec ajustements minimaux, mais pas dans le modèle complètement ajusté. L’EEAA, l’IEAA et l’AgeAccelGrim2 n’ont pas montré d’association significative avec les changements des scores 3MS ou TICs-M.

  3. Composantes de l’AgeAccelGrim2: Plusieurs protéines plasmatiques liées à l’AgeAccelGrim2 DNAm, telles que GDF15, B2M, Cystatin C, TIMP1 et Adm, étaient associées à une diminution des scores 3MS et TICs-M. Parmi celles-ci, dnAm GDF15 et dnAm b2M ont montré des associations plus fortes.

Conclusion

Le DunedinPACE pourrait aider à identifier les femmes âgées présentant un risque plus élevé de déclin cognitif futur. Cette découverte suggère le potentiel des techniques épigénétiques pour prédire les fonctions cognitives. Cependant, l’étude a ses limites, notamment l’utilisation d’un échantillon provenant d’une étude auxiliaire non spécifiquement conçue pour examiner la relation entre l’épigénétique et la cognition. De plus, le 3MS et le TICs-M sont des mesures de la fonction cognitive globale, et les futures recherches devraient explorer les associations entre l’épigénétique et les domaines cognitifs spécifiques.

Importance de l’étude

Cette étude approfondit notre compréhension de la relation entre l’accélération de l’âge épigénétique et le déclin cognitif. Les résultats montrent que certains indicateurs de l’âge épigénétique, en particulier le DunedinPACE, pourraient être des outils potentiels pour prédire la santé cognitive future. Ces découvertes ont des implications importantes pour les personnes âgées, en particulier les porteurs de l’APOE e4.

En intégrant ces résultats et méthodologies, cette étude fournit une base et des perspectives importantes pour des recherches supplémentaires sur les estimations de l’âge épigénétique. Des études longitudinales plus nombreuses et de plus grande envergure seront nécessaires pour valider davantage ces conclusions et explorer leur potentiel d’application à grande échelle.