Analyse unicellulaire de la thérapie des cellules CAR T anti-BCMA chez les patients atteints de maladies auto-immunes du système nerveux central

Les maladies auto-immunes du système nerveux central (SNC), telles que la neuromyélite optique spectre de maladies (NMOSD), sont une forme inflammatoire d’auto-immunité avec des démyélinisations récurrentes affectant surtout le nerf optique et la moelle épinière. Malgré des avancées notables dans le traitement de NMOSD, certains patients restent réfractaires aux thérapies existantes, avec des rechutes fréquentes et difficiles à guérir. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les traitements actuels ne ciblent pas efficacement la désrégulation immunitaire intrinsèque au SNC. L’immunoglobuline G (IgG) anti-aquaporine 4 (AQP4) déclenche des lésions démyélinisantes dans le SNC par divers mécanismes, y compris la cytotoxicité médiée par les anticorps dépendants des cellules et la cytotoxicité dépendante des compléments.

Le traitement par les cellules T exprimant un récepteur antigénique chimérique (CAR) a montré un potentiel dans le contrôle à long terme des cancers hématologiques et a démontré une efficacité préliminaire dans le traitement de certaines maladies auto-immunes réfractaires. Cependant, les mécanismes d’action des cellules T CAR dans les maladies auto-immunes restent obscurs. Cette étude vise à explorer les caractéristiques et le rôle des cellules T CAR in vivo dans les maladies auto-immunes en analysant par omiques à cellule unique des patients NMOSD traités avec des cellules T CAR ciblant l’antigène de maturation des cellules B (BCMA).

Source de l’étude

Cette étude a été dirigée par le département de neurologie de l’Hôpital Tongji affilié à l’Université de Sciences et Technologies de Chine Centrale, en collaboration avec l’Hôpital Tongren de Pékin, la société de biotechnologie IASO à Nanjing, la Clinique Mayo, entre autres institutions. Les résultats de l’étude ont été publiés dans le journal “Science Immunology” le 10 mai 2024 (Qin et al., Sci. Immunol. 9, eadj9730 (2024)).

Processus de recherche

Concevoir l’étude

Dans cette étude, des chercheurs ont analysé les cellules mononucléaires du sang périphérique (PBMCs) et les cellules du liquide céphalo-rachidien (LCR) de cinq patients NMOSD positifs à l’IgG anti-AQP4 difficiles à traiter ou récurrents, et de cinq témoins sains appariés selon l’âge et le sexe, en procédant à la génération et à l’analyse des données du transcriptome individuel des cellules, des récepteurs des cellules T (TCR) et des cellules B (BCR). Au total, 113 766 données de transcriptome à cellule unique sur les cellules immunitaires (issues de 10 échantillons de sang) et 34 098 sur les cellules du LCR (issues de 10 échantillons de LCR) furent obtenues.

Traitement des données

En analysant ces échantillons par omiques multiples, les chercheurs ont identifié et analysé les séquences appariées des cellules T et B. Les résultats ont montré une augmentation des cellules B dans le LCR des patients NMOSD difficiles à traiter, sans changement significatif dans le sang. En revanche, les PBs et PCs des patients NMOSD ont augmenté significativement dans les deux fluides. Des analyses complémentaires ont révélé que les lignées de cellules B dans le LCR sont hautement clonales, ce qui indique que la prolifération de clones spécifiques à un antigène se produit dans le LCR même.

Analyse des cellules T CAR

L’étude a examiné en détail la trajectoire évolutive des cellules T CAR de cinq patients NMOSD avant et après la perfusion. Il a été découvert que les cellules T CAR anti-BCMA atteignent un pic environ 10 jours après la perfusion et diminuent significativement dans le mois qui suit. Grâce au séquençage unicellulaire du TCR et à l’analyse CITE-seq, les chercheurs ont pu procéder à un regroupement et une analyse détaillée de l’expression génétique de ces cellules T CAR. Les résultats montrent que les cellules T CAR avant la perfusion sont principalement des cellules T en prolifération avec des phénotypes CD4+ et CD8+. Après la perfusion, ces cellules sont principalement remplacées par des cellules T de mémoire effectrices (TEM).

Résultats expérimentaux

Il a été découvert que les cellules T CAR expriment des niveaux élevés de gènes associés à l’inflammation et à la cytotoxicité au début de la période post-perfusion (de 7 à 14 jours), gènes qui diminuent de manière significative ultérieurement (de 21 à 28 jours). Les cellules T CAR CD4+ montrent une expression génique liée à la mémoire en augmentation graduelle, tandis que les cellules T CAR CD8+ manifestent une augmentation graduelle des récepteurs de style cellules tueuses naturelles (NK). Grâce à un suivi des clones TCR, les chercheurs ont découvert que ces cellules étaient principalement caractérisées par un phénotype CD8+ prolifératif aux stades précoces et tardifs, ce qui indique le rôle important de ces cellules dans le traitement de NMOSD.

Perméabilité des cellules T CAR dans le LCR

Grâce à la cytométrie en flux d’imagerie, les chercheurs ont observé un contact direct entre les cellules T CAR anti-BCMA et les cellules CD138+ PC dans le LCR, ce qui indique que la cytotoxicité médiée par les CAR peut se produire aussi bien dans le sang que dans le LCR. Les résultats démontrent une diminution significative des niveaux de sBCMA et d’Ig dans le sang et le LCR trois mois après la perfusion, ce qui suggère une consommation des PCs et une suppression de l’immunité humorale. Des résultats supplémentaires de séquençage de l’ARN unicellulaire indiquent que dans les cellules T CAR avant la perfusion, les cellules avec une richesse en gènes liés à la chimiokine se sont mieux multipliées après la perfusion.

Renversement du déséquilibre immunitaire du LCR par les cellules T CAR

L’étude montre que, après l’élimination des PB/PC aberrants dans le LCR par les cellules T CAR, les caractéristiques de transcription liées à la réponse immunitaire, à l’activation inflammatoire et à la chimiokine des cellules immunitaires dans le LCR s’améliorent considérablement. Cela indique qu’après le traitement par les cellules T CAR, les propriétés inflammatoires des cellules immunitaires dans le LCR sont supprimées et le déséquilibre fonctionnel immunitaire est renversé.

Conclusion et importance

Cette étude, grâce à une analyse détaillée omique à cellule unique, révèle le mécanisme d’action des cellules T CAR anti-BCMA dans le traitement de NMOSD. Ces découvertes fournissent une base scientifique importante pour l’optimisation future des thérapies par cellules T CAR pour les maladies auto-immunes. L’étude indique que les cellules T CAR exprimant CXCR3 présentent une efficacité thérapeutique supérieure dans le traitement des maladies auto-immunes du SNC, potentiellement en améliorant la capacité des cellules T CAR à proliférer dans le SNC et à consommer les PB/PC, afin d’améliorer l’efficacité du traitement.

Points forts de l’étude

  1. Les cellules T CAR exprimant CXCR3 montrent une perméabilité et une expansion significatives dans le SNC. Cela ouvre de nouvelles perspectives pour optimiser les thérapies par cellules T CAR.
  2. L’analyse omique à cellule unique révèle les mécanismes détaillés derrière l’action des cellules T CAR dans le traitement de NMOSD. Les résultats indiquent que les cellules T CAR peuvent renverser le déséquilibre immunitaire dans le LCR, supprimant ainsi la réponse inflammatoire.
  3. L’étude met en évidence les changements dynamiques post-perfusion des cellules T CAR, y compris la prolifération précoce et l’activation inflammatoire suivie d’une évolution vers un phénotype de mémoire et des caractéristiques de type NK. Ces découvertes fournissent des indices importants pour comprendre le comportement des cellules T CAR in vivo.

Directions pour de futures recherches

Les chercheurs suggèrent d’explorer davantage l’application des cellules T CAR exprimant CXCR3 dans d’autres maladies auto-immunes CNS. En outre, il est nécessaire de valider ces découvertes dans une plus grande cohorte de patients et d’explorer comment optimiser les caractéristiques des cellules T CAR, par exemple par l’édition génomique, pour améliorer leur durabilité et leur efficacité dans le traitement des maladies auto-immunes.

En somme, cette étude apporte de nouveaux aperçus et orientations pour l’application des cellules T CAR dans le traitement des maladies auto-immunes du SNC, ayant une valeur scientifique importante et une signification clinique.