Les noyaux thalamiques des primates sélectionnent des règles abstraites et façonnent la dynamique préfrontale
Contexte académique
Le contrôle cognitif est la capacité humaine à ajuster de manière flexible son comportement en fonction des objectifs et des contextes, et le cortex préfrontal (Prefrontal Cortex, PFC) joue un rôle crucial dans ce processus. Les recherches antérieures suggéraient que le PFC lisait les règles à partir de représentations multidimensionnelles des variables de tâche pour guider le comportement. Cependant, de plus en plus de preuves indiquent que le thalamus pourrait jouer un rôle clé dans la sélection des règles et la transmission des informations. En particulier, les connexions étroites entre le thalamus et le PFC permettent au thalamus de sélectionner des informations pertinentes à partir des entrées du PFC et de les renvoyer au PFC, influençant ainsi le traitement ultérieur des tâches.
Cette étude vise à explorer comment le thalamus sélectionne des règles abstraites à partir des entrées du PFC et maintient ces représentations grâce à des interactions avec le PFC. En étudiant l’activité neuronale des primates lors de l’exécution de tâches basées sur des règles, les chercheurs espèrent révéler le rôle spécifique du thalamus dans le contrôle cognitif et clarifier les mécanismes dynamiques de son interaction avec le cortex préfrontal.
Source de l’article
Cet article a été co-écrit par Jessica M. Phillips, Mohsen Afrasiabi, Niranjan A. Kambi et d’autres chercheurs, issus du Département de Psychologie de l’Université du Wisconsin-Madison, du Centre National de Recherche sur les Primates du Wisconsin, du Département de Neurochirurgie de la Renaissance School of Medicine à l’Université de Stony Brook, entre autres institutions. L’article a été publié le 18 juin 2025 dans la revue Neuron, sous le titre Primate Thalamic Nuclei Select Abstract Rules and Shape Prefrontal Dynamics.
Méthodologie de recherche
1. Conception expérimentale et tâche
L’équipe de recherche a conçu une tâche de règles hiérarchiques (Hierarchical Rule Task, HRT), exigeant que les singes appliquent successivement deux règles : une règle abstraite et une règle concrète. La règle abstraite spécifie une classe de règles subordonnées, qui peuvent être mappées à des actions ou des cibles spécifiques. Par exemple, la règle abstraite pourrait être “forme” ou “orientation”, tandis que les règles concrètes seraient des instructions spécifiques sous cette règle abstraite, comme “choisir la cible gauche” ou “choisir la cible verticale”.
2. Enregistrement neuronal et analyse des données
Les chercheurs ont utilisé des réseaux de microélectrodes linéaires (Linear Microelectrode Arrays, LMAs) pour enregistrer simultanément l’activité neuronale dans quatre régions cérébrales pendant que les singes exécutaient la tâche HRT : le cortex préfrontal (PFC), le noyau ventral antérieur du thalamus (Ventroanterior Thalamus, VA), le noyau médiodorsal du thalamus (Mediodorsal Thalamus, MD) et d’autres régions connexes. Grâce à l’imagerie par résonance magnétique de diffusion (Diffusion MRI) et à la tractographie probabiliste (Probabilistic Tractography), les chercheurs ont localisé avec précision les sites d’enregistrement dans ces régions cérébrales.
3. Méthodes d’analyse des données
Les chercheurs ont utilisé plusieurs méthodes pour analyser les données neuronales, notamment : - Indice de sélectivité (Selectivity Index, SI) : utilisé pour quantifier la sélectivité des neurones vis-à-vis des règles abstraites et concrètes. - Décodage de pseudo-populations (Pseudopopulation Decoding) : simulant l’activité de populations neuronales pour décoder les informations sur les règles. - Analyse de causalité de Granger adaptative (Adaptive Granger Causality, AGC) : utilisée pour analyser les influences causales entre le thalamus et le PFC.
4. Construction et validation du modèle
Pour valider davantage les résultats expérimentaux, les chercheurs ont construit un modèle PFC-ganglion de base-thalamus, simulant le processus de sélection et de maintien des règles abstraites. Le modèle utilise des neurones à intégration et décharge (Leaky Integrate-and-Fire Neurons) pour simuler l’activité neuronale et a testé l’impact des lésions thalamiques sur les représentations des règles dans le PFC.
Résultats principaux
1. Rôle dominant du thalamus dans la sélection des règles abstraites
L’étude a révélé que les informations sur les règles abstraites apparaissent d’abord dans le noyau ventral antérieur du thalamus (VA), puis sont transmises au cortex préfrontal (PFC). Plus précisément, les neurones du VA ont montré une sélectivité dans les 100 millisecondes suivant l’apparition de l’indice de règle abstraite, tandis que la sélectivité des neurones du PFC est apparue après 250 millisecondes. Cela suggère que le thalamus joue un rôle dominant dans la sélection des règles abstraites.
2. Interaction dynamique entre le thalamus et le PFC
Grâce à l’analyse de causalité de Granger adaptative, les chercheurs ont découvert que l’influence causale du thalamus sur le PFC augmentait de manière significative après l’apparition de l’indice de règle abstraite et restait élevée pendant la période de retard. Cela indique que le thalamus joue non seulement un rôle dominant dans la sélection des règles, mais interagit également dynamiquement avec le PFC pour maintenir ces règles.
3. Représentation des règles concrètes
Contrairement aux règles abstraites, la représentation des règles concrètes apparaît d’abord dans le PFC, puis dans le thalamus. Cela suggère qu’une fois la règle abstraite établie, le PFC peut transformer efficacement les entrées ultérieures en règles concrètes et en réponses.
4. Impact des lésions thalamiques sur les représentations des règles dans le PFC
En simulant des lésions thalamiques, les chercheurs ont constaté que les lésions du VA ou du MD réduisaient considérablement la capacité du PFC à représenter les règles abstraites. En particulier, les lésions du VA ont entraîné une précision de décodage des informations sur les règles dans le PFC tombant au niveau du hasard pendant la période de retard, tandis que les lésions du MD affectaient le maintien des règles dans le PFC pendant cette période.
Conclusion et signification
Cette étude révèle le rôle clé du thalamus dans le contrôle cognitif, en particulier sa position dominante dans la sélection et le maintien des règles abstraites. Grâce à des interactions dynamiques avec le PFC, le thalamus peut sélectionner des informations pertinentes à partir des représentations corticales multidimensionnelles et les renvoyer au PFC, influençant ainsi le traitement ultérieur des tâches. Cette découverte approfondit non seulement notre compréhension des mécanismes neuronaux du contrôle cognitif, mais offre également de nouvelles perspectives pour le traitement des troubles neuropsychiatriques associés.
Points forts de la recherche
- Première révélation du rôle dominant du thalamus dans la sélection des règles abstraites : L’étude montre que le noyau ventral antérieur du thalamus (VA) présente la sélectivité la plus précoce dans la sélection des règles abstraites, remettant en question l’idée traditionnelle selon laquelle le PFC est le centre de sélection des règles.
- Mécanisme d’interaction dynamique entre le thalamus et le PFC : Grâce à l’analyse de causalité de Granger adaptative, les chercheurs ont quantifié pour la première fois l’interaction dynamique entre le thalamus et le PFC dans la sélection et le maintien des règles.
- Validation par un modèle multiniveau : Le modèle PFC-ganglion de base-thalamus construit par les chercheurs valide non seulement les résultats expérimentaux, mais clarifie également l’impact des lésions thalamiques sur les représentations des règles dans le PFC.
Autres informations utiles
L’étude a également révélé que le thalamus joue un rôle clé dans la représentation précoce des résultats comportementaux. En particulier, dans les essais erronés, la représentation des règles abstraites par le thalamus était significativement réduite, soutenant davantage l’importance du thalamus dans le contrôle cognitif.
Cette recherche, à travers des expériences et des validations de modèles multiniveaux, révèle en profondeur le rôle clé du thalamus dans le contrôle cognitif, offrant une nouvelle perspective sur la manière dont le cerveau sélectionne et exécute les règles.