Déficits en protéostasie et réparation lysosomale dans les neurones transdifférenciés de la maladie d’Alzheimer

Contexte académique

La maladie d’Alzheimer (Alzheimer’s disease, AD) est la maladie neurodégénérative la plus courante chez les personnes âgées, caractérisée principalement par des dépôts de protéine amyloïde-β (Aβ) et une hyperphosphorylation de la protéine tau. Bien que le vieillissement soit le facteur de risque le plus important de l’AD, les mécanismes cellulaires par lesquels le déclin de l’homéostasie protéique (proteostasis) dans les neurones conduit aux dépôts anormaux de protéines dans le cerveau des patients atteints d’AD restent mal compris. Pour étudier cette question, les chercheurs ont développé un modèle de neurones transdifférenciés (transdifferentiated neurons, tneurons) à partir de fibroblastes cutanés humains, un modèle qui conserve les marqueurs du vieillissement et présente une vulnérabilité liée à l’AD.

Source de l’article

Cet article, rédigé par Ching-Chieh Chou, Ryan Vest, Miguel A. Prado et d’autres scientifiques issus de plusieurs institutions telles que Stanford University et Harvard University, a été publié en avril 2025 dans la revue Nature Cell Biology. Intitulé “Proteostasis and lysosomal repair deficits in transdifferentiated neurons of Alzheimer’s disease”, il vise à révéler, grâce au modèle des tneurons, les événements précoces liés aux déficits de la fonction lysosomale et à la perturbation de l’homéostasie protéique dans le vieillissement et l’AD.

Processus et résultats de la recherche

1. Établissement du modèle de tneurons et validation des phénotypes liés au vieillissement et à l’AD

Les chercheurs ont utilisé des facteurs de transcription (Brn2, Ascl1, Myt1l et Ngn2) et des petites molécules pour transdifférencier des fibroblastes cutanés humains en neurones corticaux. Les fibroblastes provenaient de donneurs jeunes et en bonne santé (âge moyen de 25,6 ans), âgés et en bonne santé (âge moyen de 70,3 ans) et de patients atteints d’AD (âge moyen de 70,4 ans). Grâce à des analyses d’immunofluorescence et de protéomique, les chercheurs ont observé que les fibroblastes des patients âgés et atteints d’AD présentaient des signes marqués de vieillissement, notamment des dommages à l’ADN et des modifications des histones (comme H3K9me3 et H4K16ac).

Dans les tneurons transdifférenciés, les chercheurs ont observé que les tneurons âgés et ceux atteints d’AD présentaient des défauts d’homéostasie protéique dans des conditions basales, notamment une accumulation de protéines ubiquitinylées (ubiquitin-positive, ub+) et du récepteur d’autophagie p62/SQSTM1. De plus, les dépôts d’Aβ42 et de tau phosphorylée (ptau) étaient significativement augmentés dans les tneurons atteints d’AD, ressemblant aux caractéristiques pathologiques observées dans le cerveau des patients atteints d’AD.

2. Analyse protéomique révélant les déficits de la fonction lysosomale liés au vieillissement et à l’AD

Grâce à une analyse protéomique quantitative, les chercheurs ont comparé les profils d’expression protéique des tneurons jeunes, âgés et atteints d’AD. Les résultats ont montré que le vieillissement et l’AD affectaient significativement l’homéostasie protéique et l’homéostasie des organites, en particulier les composants de la voie endosome-lysosome (endosome-lysosome pathway). Dans les tneurons atteints d’AD, l’expression des protéines liées aux lysosomes (comme CLU, CTSC et TMEM175) était significativement réduite, indiquant que la fonction lysosomale était gravement affectée dans l’AD.

3. Déficits des mécanismes de réparation des lysosomes

Les chercheurs ont utilisé la microscopie électronique à transmission (TEM) pour observer l’ultrastructure des lysosomes dans les tneurons, révélant que les lysosomes des tneurons âgés et atteints d’AD étaient agrandis et contenaient de nombreux granules denses aux électrons. Des études supplémentaires ont montré que les niveaux basaux des marqueurs de dommages lysosomaux (comme CHMP2B de l’ESCRT-III et la galectine-3) étaient significativement augmentés dans les tneurons âgés et atteints d’AD, indiquant la présence de dommages lysosomaux persistants dans ces cellules.

Pour évaluer la cinétique de réparation des lysosomes, les chercheurs ont traité les tneurons avec un agent de dommage lysosomal (L-leucyl-L-leucine méthyl ester, LLOME) et ont suivi les changements spatio-temporels du composant HGS de l’ESCRT-0. Les résultats ont montré que l’efficacité de réparation des lysosomes était significativement réduite dans les tneurons atteints d’AD, avec une demi-vie de réparation (t1/2) prolongée à 3,6 heures, contre seulement 1,1 heure pour les tneurons jeunes.

4. Interaction entre les dommages lysosomaux et d’autres voies d’homéostasie protéique

Les chercheurs ont également découvert que les dommages lysosomaux affectaient d’autres voies d’homéostasie protéique, comme la localisation de la protéine de liaison à l’ARN TDP-43 et du chaperon moléculaire HSP70. Dans les tneurons atteints d’AD, TDP-43 et HSP70 étaient recrutés sur les lysosomes endommagés, suggérant que les dommages lysosomaux pourraient exacerber les changements pathologiques dans les neurons en affectant d’autres processus d’homéostasie protéique.

5. Amélioration des pathologies de l’AD par la réparation de la fonction lysosomale

Pour valider le rôle central des déficits de la fonction lysosomale dans la pathologie de l’AD, les chercheurs ont utilisé plusieurs petites molécules pour améliorer la fonction lysosomale. Parmi elles, le C381 a significativement réduit les dépôts d’Aβ42 dans les tneurons atteints d’AD et diminué la sécrétion de facteurs inflammatoires (comme IL-6 et CCL2). De plus, le C381 a restauré l’acidité lysosomale, augmenté l’activité des enzymes lysosomales et protégé les neurones contre la mort cellulaire induite par les dommages lysosomaux.

Conclusion et signification

Cette étude, grâce au modèle des tneurons, a révélé les événements précoces liés aux déficits de la fonction lysosomale et à la perturbation de l’homéostasie protéique dans le vieillissement et l’AD, montrant que les déficits de réparation des lysosomes sont un facteur clé dans la pathologie de l’AD. Les résultats fournissent de nouvelles perspectives sur les mécanismes de l’AD et proposent des stratégies potentielles pour traiter l’AD en améliorant la fonction lysosomale.

Points forts de la recherche

  1. Modèle innovant : Le modèle des tneurons conserve les marqueurs du vieillissement, offrant un outil unique pour étudier les mécanismes cellulaires du vieillissement et de l’AD.
  2. Déficits de la fonction lysosomale : L’étude révèle systématiquement pour la première fois les déficits des mécanismes de réparation des lysosomes dans l’AD et leur rôle dans la perturbation de l’homéostasie protéique.
  3. Potentiel thérapeutique : L’étude montre que l’amélioration de la fonction lysosomale par des petites molécules peut réduire efficacement les dépôts d’Aβ et la réponse inflammatoire, ouvrant de nouvelles voies pour le traitement de l’AD.

Autres informations utiles

Les limites de cette étude incluent le fait que le modèle des tneurons manque de soutien des cellules gliales et que la durée de culture est relativement courte, ce qui pourrait ne pas reproduire entièrement la structure tissulaire complexe et les processus de vieillissement à long terme du cerveau humain. Les recherches futures pourraient explorer davantage le rôle d’autres voies de contrôle de la qualité des lysosomes (LQC) dans l’AD et valider ces résultats dans une population plus large de patients atteints d’AD.

Cette étude fournit des insights importants sur les processus cellulaires précoces de l’AD et pose les bases pour le développement de stratégies d’intervention précoce contre cette maladie.