Cellules souches neurales multipotentes originaires de neuroépithélium existent en dehors du système nerveux central de la souris
Contexte
Depuis longtemps, la communauté scientifique a généralement considéré que les cellules souches neurales (Neural Stem Cells, NSCs) des mammifères n’existaient que dans le système nerveux central (Central Nervous System, CNS), en particulier dans des régions spécifiques du cerveau telles que le gyrus denté de l’hippocampe (dentate gyrus) et la zone sous-ventriculaire (subventricular zone) près des ventricules latéraux. Les NSCs de ces régions peuvent continuer à générer de nouveaux neurones à l’âge adulte, un processus appelé neurogenèse. Cependant, la question de savoir si les NSCs existent en dehors du système nerveux central, en particulier dans le système nerveux périphérique (Peripheral Nervous System, PNS), reste controversée.
Le système nerveux périphérique est principalement issu des cellules de la crête neurale (Neural Crest Cells, NCCs), et les cellules souches de la crête neurale (Neural Crest Stem Cells, NCSCs) sont considérées comme le principal type de cellules souches dans le PNS. Les NCSCs diffèrent significativement des NSCs du CNS en termes d’expression génique et de potentiel de différenciation, et leur capacité d’auto-renouvellement est limitée. Par conséquent, la vision traditionnelle est que les NSCs n’existent que dans le CNS, tandis que les cellules souches du PNS sont principalement des NCSCs.
Cependant, cette vision traditionnelle a été remise en question ces dernières années. Certaines études ont suggéré que certains tissus périphériques pourraient contenir des cellules présentant des caractéristiques de NSCs, mais ces études n’ont pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer que ces cellules possèdent réellement les caractéristiques des NSCs. Pour explorer davantage cette question, une équipe de recherche composée de scientifiques du Max Planck Institute for Molecular Biomedicine, de l’University of Hong Kong et d’autres institutions a mené une étude révolutionnaire visant à révéler l’existence et la fonction des cellules souches neurales périphériques (Peripheral Neural Stem Cells, PNSCs).
Source de l’étude
Cette étude a été réalisée par Dong Han, Wan Xu, Hyun-Woo Jeong et plusieurs autres scientifiques, issus de plusieurs institutions de recherche internationales renommées, notamment le Max Planck Institute for Molecular Biomedicine, l’University of Hong Kong et l’University of Luxembourg. Les résultats de l’étude ont été publiés en avril 2025 dans la revue Nature Cell Biology, sous le titre Multipotent neural stem cells originating from neuroepithelium exist outside the mouse central nervous system.
Processus et résultats de l’étude
1. Découverte et isolement des cellules souches neurales périphériques
L’équipe de recherche a d’abord tenté d’induire des cellules ressemblant à des NSCs à partir de cellules de membres embryonnaires et de cellules pulmonaires adultes de souris en utilisant un traitement à faible pH (low-pH treatment). Bien que l’induction de cellules souches pluripotentes n’ait initialement pas réussi, dans des conditions de culture spécifiques, les chercheurs ont obtenu par hasard des populations de cellules présentant des caractéristiques de NSCs. Ces cellules ont été nommées “Embryonic Limb Low-pH NSCs” (ELLNSCs) et “Adult Lung Low-pH NSCs” (ALLNSCs).
Pour vérifier si ces cellules possédaient réellement les caractéristiques des NSCs, les chercheurs ont effectué plusieurs tests, y compris l’analyse de la morphologie cellulaire, de la capacité d’auto-renouvellement, du potentiel de différenciation, du profil d’expression génique et des caractéristiques épigénétiques. Les résultats ont montré que les ELLNSCs et les ALLNSCs étaient très similaires aux NSCs dérivées du cerveau à plusieurs égards et pouvaient se différencier en types de cellules neurales tels que les neurones, les astrocytes et les oligodendrocytes.
2. Isolement des cellules souches neurales périphériques sans traitement à faible pH
Pour confirmer davantage l’existence de NSCs endogènes dans les tissus périphériques, les chercheurs ont isolé des cellules ressemblant à des NSCs directement à partir de tissus de membres embryonnaires, de poumons adultes et de queues postnatales sans utiliser de traitement à faible pH. En utilisant des souris transgéniques exprimant le marqueur spécifique des NSCs nestin (souris nes-gfp), les chercheurs ont réussi à isoler des cellules GFP+ ressemblant à des NSCs à partir de tissus pulmonaires adultes et de queues. Ces cellules ont également montré des capacités d’auto-renouvellement, un potentiel de différenciation et un profil d’expression génique similaires à ceux des NSCs du cerveau.
3. Validation de la pluripotence des cellules souches neurales périphériques
Pour vérifier la pluripotence des PNSCs, les chercheurs ont différencié ces cellules en neurones, astrocytes et oligodendrocytes in vitro et les ont transplantées dans le cerveau de souris nouveau-nées. Les résultats ont montré que les PNSCs transplantées pouvaient survivre dans le cerveau et se différencier en neurones et cellules gliales matures, sans formation de tumeurs. De plus, des expériences de marquage génétique ont permis d’exclure la possibilité de fusion entre les cellules transplantées et les cellules hôtes.
4. Différences entre les cellules souches neurales périphériques et les cellules souches de la crête neurale
Pour déterminer si les PNSCs provenaient des cellules de la crête neurale, les chercheurs ont comparé les PNSCs et les NCSCs. Les résultats ont montré que les PNSCs exprimaient des marqueurs spécifiques des NSCs (comme Sox2 et Olig2), mais n’exprimaient pas les marqueurs spécifiques des NCSCs (comme Sox10 et p75). De plus, les PNSCs se différenciaient principalement en neurones et cellules gliales, tandis que les NCSCs avaient du mal à se différencier en neurones et les cellules différenciées continuaient à exprimer p75. Ces résultats indiquent que les PNSCs et les NCSCs diffèrent significativement en termes d’expression génique et de potentiel de différenciation.
5. Origine des cellules souches neurales périphériques
Grâce à des expériences de traçage génétique, les chercheurs ont découvert que les PNSCs provenaient des cellules neuroépithéliales (Neuroepithelial Cells, NECs) et non des cellules de la crête neurale. En utilisant des souris Sox1-cre pour des expériences de marquage, les chercheurs ont constaté que les PNSCs migraient hors du tube neural au début du développement embryonnaire et s’installaient dans les tissus périphériques. Ces PNSCs pouvaient se différencier en neurones matures et en un nombre limité de cellules gliales pendant le développement embryonnaire et postnatal.
6. Caractéristiques moléculaires des cellules souches neurales périphériques
Pour approfondir les caractéristiques moléculaires des PNSCs, les chercheurs ont effectué un séquençage d’ARN unicellulaire (scRNA-seq) sur les cellules Sox1+ du cerveau adulte et des tissus de queue postnatale. Les résultats ont montré que les cellules Sox1+ des tissus de queue étaient très similaires aux NSCs du cerveau en termes d’expression génique et que ces cellules conservaient un potentiel de neurogenèse après la naissance. De plus, les PNSCs différaient significativement des autres cellules souches résidentes des tissus (comme les cellules souches AT1 et AT2 du poumon) en termes de caractéristiques moléculaires, indiquant que les PNSCs sont un type unique de NSCs.
Conclusion et signification de l’étude
Cette étude a confirmé pour la première fois l’existence de cellules souches neurales périphériques (PNSCs) et a révélé leurs similitudes avec les cellules souches neurales centrales (NSCs) à plusieurs égards. Les PNSCs proviennent des cellules neuroépithéliales et non des cellules de la crête neurale, et peuvent se différencier en neurones et cellules gliales pendant le développement embryonnaire et postnatal. Cette découverte remet en question la vision traditionnelle et ouvre de nouvelles possibilités pour la thérapie de régénération neuronale.
Valeur scientifique et perspectives d’application
- Remise en question de la vision traditionnelle : Cette étude remet en question l’idée longtemps admise que les NSCs n’existent que dans le CNS, révélant l’existence et la fonction des PNSCs dans le système nerveux périphérique.
- Thérapie de régénération neuronale : La découverte des PNSCs offre une nouvelle source de cellules pour le traitement des maladies neurodégénératives (comme la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson) et des lésions de la moelle épinière. Par rapport aux NSCs du CNS, les PNSCs sont plus accessibles et possèdent un potentiel de régénération similaire.
- Biologie du développement : Cette étude offre une nouvelle perspective pour comprendre le développement du système nerveux, révélant le rôle important des cellules neuroépithéliales dans la formation du système nerveux périphérique.
Points forts de l’étude
- Première découverte des cellules souches neurales périphériques : Cette étude a confirmé pour la première fois l’existence des PNSCs et a décrit en détail leurs similitudes avec les NSCs du CNS.
- Méthodes expérimentales innovantes : L’équipe de recherche a utilisé des traitements à faible pH et des expériences de marquage génétique pour isoler et valider l’existence et la fonction des PNSCs.
- Collaboration multidisciplinaire : Cette étude a combiné la biologie du développement, la biologie moléculaire et le séquençage unicellulaire, fournissant des preuves à plusieurs niveaux pour la découverte des PNSCs.
Conclusion
Cette étude apporte une nouvelle avancée dans le domaine des neurosciences et ouvre de nouvelles perspectives pour la thérapie de régénération neuronale. À l’avenir, des recherches supplémentaires sur l’existence des PNSCs chez l’homme et leur application dans le traitement des maladies auront une importance scientifique et clinique significative.