Une chronologie ultrastructurale quantitative de l'autophagie nucléaire révèle un rôle pour la protéine de type dynamine 1 à l'enveloppe nucléaire
Contexte
L’enveloppe nucléaire (Nuclear Envelope, NE) est une barrière essentielle entre le noyau et le cytoplasme, jouant un rôle crucial dans le maintien de la stabilité de l’environnement nucléaire. L’intégrité de l’enveloppe nucléaire est vitale pour le fonctionnement normal des cellules, et sa perturbation est étroitement liée au vieillissement et à diverses maladies. L’autophagie est un mécanisme important de dégradation et de recyclage des composants endommagés ou excédentaires dans la cellule, y compris la nucléophagie, un processus par lequel le noyau ou les composants de l’enveloppe nucléaire sont dégradés via l’autophagie. Cependant, les mécanismes précis de la nucléophagie, en particulier les processus moléculaires et ultrastructuraux de remodelage de l’enveloppe nucléaire, restent mal compris.
Ces dernières années, des études ont montré que la nucléophagie joue un rôle important dans le maintien de l’homéostasie de l’enveloppe nucléaire, mais ses mécanismes moléculaires et ses dynamiques restent à élucider. En particulier, la manière dont la membrane interne (Inner Nuclear Membrane, INM) et la membrane externe (Outer Nuclear Membrane, ONM) de l’enveloppe nucléaire sont sélectivement éliminées par l’autophagie, sans compromettre l’intégrité de l’enveloppe nucléaire, reste un mystère. Pour répondre à cette question, les chercheurs ont utilisé des techniques de microscopie avancées et des approches de biologie moléculaire pour révéler la chronologie quantitative et les mécanismes clés de la nucléophagie.
Source de l’article
Cet article a été rédigé par Philip J. Mannino, Andrew Perun, Ivan V. Surovtsev et leur équipe du Département de Biologie Cellulaire de l’École de Médecine de Yale, et publié en mars 2025 dans la revue Nature Cell Biology. L’équipe de recherche a utilisé la microscopie à feuille de lumière en treillis 4D (4D Lattice Light Sheet Microscopy) et la tomographie corrélative lumière-électron (Correlative Light and Electron Tomography, CLEM) pour décrire quantitativement, pour la première fois, la chronologie ultrastructurale de la nucléophagie dans les cellules de levure, et a révélé le rôle non canonique de la protéine de type Dynamine 1 (Dnm1) dans le remodelage de l’enveloppe nucléaire.
Méthodologie et résultats
1. Construction de la chronologie de la nucléophagie
L’équipe de recherche a d’abord utilisé le récepteur de nucléophagie Atg39 marqué par fluorescence pour observer en temps réel la dynamique de la nucléophagie grâce à la microscopie à feuille de lumière en treillis 4D. Les résultats ont montré que l’initiation de la nucléophagie s’accompagne d’une accumulation rapide d’Atg39 sur l’enveloppe nucléaire, l’ensemble du processus durant environ 300 secondes, jusqu’à ce qu’Atg39 et son “cargo” soient finalement délivrés à la vacuole pour dégradation.
Pour approfondir les détails ultrastructuraux de la nucléophagie, les chercheurs ont combiné la technologie CLEM pour observer les changements morphologiques de l’enveloppe nucléaire pendant la nucléophagie. Ils ont découvert que la nucléophagie comprend au moins deux étapes consécutives de fission membranaire : d’abord, la fission de l’INM, formant une vésicule dérivée de l’INM (INM-derived Vesicle, INMDV) dans l’espace périnucléaire ; ensuite, la fission de l’ONM, libérant une vésicule à double membrane dans le cytoplasme. Il est à noter que la fission de l’ONM ne dépend pas de l’engagement du phagophore, mais plutôt de l’activité de Dnm1.
2. Rôle clé de Dnm1 dans la nucléophagie
Pour vérifier le rôle de Dnm1 dans la nucléophagie, les chercheurs ont construit des souches de levure déficientes en Dnm1 et ont observé les changements dynamiques d’Atg39. Les résultats ont montré que l’absence de Dnm1 entraîne une réduction significative du flux de nucléophagie, en particulier après la fission de l’INM, où le processus de nucléophagie est “bloqué” et ne peut pas se poursuivre. Des analyses supplémentaires par microscopie à fluorescence et CLEM ont révélé que l’absence de Dnm1 entraîne une accumulation d’INMDV dans l’espace périnucléaire, empêchant leur libération dans le cytoplasme par fission de l’ONM.
De plus, les chercheurs ont découvert que le recrutement de Dnm1 dépend de la protéine d’échafaudage autophagique Atg11. Grâce à des expériences de complémentation de fluorescence bimoléculaire (Bimolecular Fluorescence Complementation, BiFC), ils ont confirmé une interaction directe entre Atg11 et Dnm1, soutenant davantage le rôle clé de Dnm1 dans la nucléophagie.
3. Mécanisme moléculaire de la nucléophagie
Sur la base de ces résultats, les chercheurs ont proposé un modèle moléculaire de la nucléophagie : Atg39 s’accumule d’abord sur l’enveloppe nucléaire et se lie à l’INM via ses hélices amphipathiques C-terminales, formant l’INMDV. Ensuite, Atg11 recrute Dnm1 sur l’enveloppe nucléaire, catalysant la fission de l’ONM et libérant une vésicule à double membrane dans le cytoplasme. Ce processus assure l’élimination sélective des composants de l’enveloppe nucléaire tout en maintenant son intégrité.
Conclusion et signification
Cette étude décrit quantitativement, pour la première fois, la chronologie ultrastructurale de la nucléophagie et révèle le rôle non canonique de Dnm1 dans le remodelage de l’enveloppe nucléaire. Les résultats montrent que la nucléophagie, via deux étapes consécutives de fission membranaire, assure l’élimination sélective des composants de l’enveloppe nucléaire tout en évitant sa destruction. Cette découverte approfondit non seulement notre compréhension des mécanismes moléculaires de la nucléophagie, mais ouvre également de nouvelles perspectives pour la recherche sur le vieillissement et les maladies liées à l’enveloppe nucléaire.
Points forts de l’étude
- Chronologie quantitative : Utilisation de la microscopie à feuille de lumière en treillis 4D et de la technologie CLEM pour décrire quantitativement la chronologie ultrastructurale de la nucléophagie.
- Rôle non canonique de Dnm1 : Révélation du rôle clé de Dnm1 dans le remodelage de l’enveloppe nucléaire, élargissant ses fonctions en biologie cellulaire.
- Modèle moléculaire : Proposition d’un modèle moléculaire de la nucléophagie, clarifiant les rôles synergiques d’Atg39, Atg11 et Dnm1 dans ce processus.
Valeur appliquée
Cette étude a non seulement une grande valeur scientifique, mais elle offre également des cibles potentielles pour le traitement des maladies liées à l’enveloppe nucléaire. Par exemple, la modulation de l’activité de Dnm1 pourrait contribuer à retarder le vieillissement ou à traiter les dysfonctionnements de l’enveloppe nucléaire. De plus, les techniques de microscopie à haute résolution et les méthodes de biologie moléculaire utilisées dans cette étude fournissent de nouveaux outils et approches pour d’autres recherches en biologie cellulaire.
Cette étude apporte des insights importants sur les mécanismes moléculaires de la nucléophagie et les processus de remodelage de l’enveloppe nucléaire, avec des perspectives d’application étendues.