Amélioration de l'émission de fluorescence retardée activée thermiquement à résonance multiple via l'effet d'atome lourd à travers l'espace

Contexte académique

La technologie des diodes électroluminescentes organiques (OLED) a connu des progrès remarquables ces dernières années, en particulier dans le domaine des matériaux présentant une fluorescence retardée activée thermiquement (TADF). Les matériaux TADF convertissent les excitons triplets en excitons singulets via le processus de saut intersystème inverse (RISC), permettant ainsi une émission lumineuse à haut rendement. Cependant, les matériaux TADF traditionnels rencontrent souvent des problèmes de « roll-off » d’efficacité et d’élargissement spectral, notamment dans les matériaux TADF à multi-résonance (MR). Les matériaux MR-TADF, en introduisant des atomes d’azote riches en électrons et de bore appauvris en électrons, réduisent la relaxation structurale et réalisent ainsi une émission à bande étroite. Toutefois, ces matériaux présentent généralement une faible vitesse RISC (kRISC), ce qui conduit au problème de roll-off d’efficacité.

Afin de résoudre ce problème, les chercheurs ont proposé d’introduire des atomes lourds (comme le brome, l’iode, le soufre, le sélénium, etc.) pour renforcer l’effet de couplage spin-orbite (SOC), accélérant ainsi le processus RISC. Cependant, les méthodes traditionnelles d’introduction d’atomes lourds font généralement appel à une connexion directe via une voie conjuguée avec le chromophore MR, ce qui élargit et déplace fréquemment le spectre vers le rouge. C’est pourquoi les chercheurs explorent une nouvelle stratégie : introduire des atomes lourds via des interactions spatiales à courte portée, appelée « effet d’atome lourd externe intramoléculaire », pour éviter les effets négatifs des voies conjuguées.

Source de l’article

Cet article a été rédigé conjointement par Qi Zheng, Yang-Kun Qu, Peng Zuo et d’autres auteurs, issus de l’Institut des matériaux fonctionnels nano et mous (FUNSOM) de l’université de Soochow. Il a été publié le 10 avril 2025 dans la revue « Chem », sous le titre « Enhancing Multi-Resonance Thermally Activated Delayed Fluorescence Emission via Through-Space Heavy-Atom Effect ».

Processus de recherche et résultats

1. Conception et synthèse moléculaire

Les chercheurs ont conçu une série de molécules MR-TADF basées sur un squelette spiro, introduisant des atomes lourds par interaction spatiale à courte portée. Spécifiquement, le chromophore MR (BNCZ) a été relié à la position C1 du squelette spiro, tandis que des groupes d’atomes lourds (comme le soufre, le sélénium, etc.) ont été ancrés au centre du spiro. Pour valider cette conception, cinq molécules ont été synthétisées : CH2-SFBN, O-SFBN, S-SFBN, Se-SFBN et CO-SFBN, correspondant à différentes modifications par atomes lourds ou légers.

Le processus de synthèse a inclus un échange lithium-halogène, une réaction nucléophile et une cyclisation de type Friedel-Crafts. Toutes les structures chimiques ont été caractérisées par résonance magnétique nucléaire (RMN) et spectrométrie de masse MALDI-TOF, montrant une bonne stabilité thermique.

2. Structure monocristalline et analyse IGMH

Pour étudier l’interaction spatiale à courte portée entre les atomes lourds et le chromophore MR, les chercheurs ont réalisé des analyses de diffraction des rayons X sur monocristal. Les résultats montrent que, dans toutes les molécules, la distance verticale entre l’atome lourd et le chromophore MR est inférieure à 3 Å, indiquant un effet stérique marqué. De plus, l’analyse par modèle de gradient indépendant (IGMH) confirme l’existence d’une interaction spatiale entre les atomes lourds et le chromophore MR.

3. Calculs théoriques

Les chercheurs ont réalisé des calculs de la théorie fonctionnelle de la densité (DFT) et de la DFT dépendante du temps (TD-DFT) pour étudier l’influence de la modification par atome lourd sur la géométrie moléculaire et les propriétés optoélectroniques. Les résultats ont montré que l’introduction des atomes lourds renforçait significativement l’effet SOC, notamment que la matrice d’éléments SOC () de Se-SFBN dépassait d’un ordre de grandeur celle des autres molécules.

4. Propriétés photophysiques

Les chercheurs ont mesuré les spectres d’absorption, de fluorescence et de phosphorescence de ces molécules en solution diluée de toluène. Toutes les molécules présentent une émission à bande étroite, avec une largeur à mi-hauteur (FWHM) comprise entre 23 et 25 nm, et un maximum d’émission compris entre 488 et 492 nm. Par ailleurs, la durée de vie retardée (τD) de ces molécules est significativement réduite, notamment pour Se-SFBN dont la τD atteint seulement 8,98 μs et la kRISC s’élève à 1,05 × 10^5 s^-1, soit deux ordres de grandeur supérieurs à celle des molécules modifiées par des atomes légers.

5. Propriétés électrochimiques

À travers la voltampérométrie cyclique (CV), les chercheurs ont estimé les niveaux des orbitales moléculaires les plus occupées (HOMO) et les moins occupées (LUMO) des molécules. Les résultats suggèrent que la modification par des atomes lourds n’a qu’un impact mineur sur les niveaux d’énergie, ce qui est cohérent avec les caractéristiques photophysiques des chromophores MR.

6. Performance des dispositifs OLED

Les chercheurs ont utilisé ces molécules comme couche émissive pour fabriquer des dispositifs OLED, puis ont mesuré leurs performances électroluminescentes (EL). Les résultats montrent que les efficacités quantiques externes maximales (EQEmax) de S-SFBN et Se-SFBN atteignent respectivement 36,6% et 35,6%, avec un roll-off d’efficacité nettement réduit. En particulier, l’EQE de Se-SFBN reste à 22,1% sous une luminance de 1000 cd/m^2, démontrant d’excellentes performances de dispositif.

Conclusions et significations

Cette étude, via l’introduction d’atomes lourds par interaction spatiale à courte portée, a permis d’obtenir des matériaux MR-TADF à émission à bande étroite et haut rendement, tout en réduisant significativement le roll-off d’efficacité. L’« effet d’atome lourd externe intramoléculaire » proposé par les auteurs offre une nouvelle voie pour la conception de matériaux OLED très performants. De plus, ce travail met en avant le potentiel des interactions spatiales dans la modulation des propriétés photophysiques, jetant ainsi les bases du développement futur de matériaux émissifs plus efficaces.

Points forts de l’étude

  1. Conception moléculaire novatrice : introduction d’atomes lourds via une interaction spatiale à courte portée, évitant ainsi l’élargissement et le déplacement vers le rouge du spectre causés par une voie conjuguée classique.
  2. Processus RISC très efficace : la modification par atome lourd renforce significativement l’effet SOC et accélère le processus RISC, en particulier pour Se-SFBN dont la kRISC atteint 1,05 × 10^5 s^-1.
  3. Excellentes performances OLED : les EQE maximales de S-SFBN et Se-SFBN atteignent respectivement 36,6% et 35,6%, avec un roll-off d’efficacité notablement diminué.
  4. Validation théorique : grâce aux calculs DFT et TD-DFT, les auteurs ont systématiquement analysé l’influence des atomes lourds sur les propriétés optoélectroniques, fournissant ainsi un appui théorique aux résultats expérimentaux.

Autres informations pertinentes

Les auteurs ont par ailleurs étudié en détail l’interaction spatiale entre les atomes lourds et le chromophore MR par diffraction des rayons X sur monocristal et analyse IGMH, fournissant ainsi une base structurelle à la compréhension de l’effet d’atome lourd externe intramoléculaire. En outre, cette recherche met en lumière le rôle essentiel du squelette spiro dans la modulation de la géométrie moléculaire et des propriétés optoélectroniques, offrant des références pour la conception future de nouveaux matériaux luminescents.