Intégration des hydroformylations avec le reformage du méthanol en syngaz

Contexte académique

Avec l’augmentation croissante de la demande mondiale pour le développement durable, l’industrie chimique est confrontée à un défi urgent : passer des combustibles fossiles aux ressources renouvelables. Actuellement, l’ossature carbonée de la grande majorité des produits synthétiques chimiques provient de combustibles fossiles non renouvelables, ce qui aggrave non seulement le problème des émissions de carbone, mais fait aussi de l’industrie chimique l’un des principaux consommateurs de combustibles fossiles. Afin de réaliser l’objectif de neutralité carbone, l’industrie chimique doit rechercher de nouvelles sources de carbone, en particulier des voies chimiques vertes utilisant le dioxyde de carbone (CO₂) comme matière première. Le méthanol, en tant que plateforme chimique durable potentielle, a récemment attiré une grande attention du fait qu’il est facile à produire à partir du CO₂ et de l’hydrogène vert. Le méthanol peut être utilisé non seulement comme carburant, mais aussi comme intermédiaire de synthèse chimique, pouvant être transformé en d’autres produits chimiques à forte valeur ajoutée.

Cependant, intégrer le méthanol dans les chaînes de production chimique existantes continue de poser de nombreux défis. L’un des problèmes clés est de savoir comment convertir efficacement le méthanol en gaz de synthèse (syngas, mélange de CO et H₂) pour une utilisation ultérieure dans la réaction d’hydroformylation des oléfines. L’hydroformylation est l’une des réactions clés de l’industrie chimique, utilisée pour convertir les oléfines en composés aldéhydiques qui sont largement utilisés dans la production de plastiques, de médicaments et de produits chimiques fins. Actuellement, le gaz de synthèse est principalement produit par gazéification du charbon ou reformage du gaz naturel, des procédés qui dépendent des combustibles fossiles. Par conséquent, développer une méthode basée sur le méthanol pour produire du gaz de synthèse, combinée à l’hydroformylation, a une grande valeur scientifique et applicative.

Origine de l’article

Cet article est écrit conjointement par Andreas Bonde, Joakim Bøgelund Jakobsen, Alexander Ahrens, Weiheng Huang, Ralf Jackstell, Matthias Beller et Troels Skrydstrup. Les auteurs proviennent respectivement du Centre d’Activation du Dioxyde de Carbone (CADIAC) et du Centre de Recherche CO₂ de la Fondation Novo Nordisk (CORC) à l’Université d’Aarhus au Danemark, ainsi que de l’Institut Leibniz de Catalyse en Allemagne. L’article a été publié le 13 mars 2025 dans la revue Chem sous le titre : « Integrating Hydroformylations with Methanol-to-Syngas Reforming ».

Processus de recherche et résultats

1. Objectif et méthode de la recherche

Cette étude vise à développer un système de double catalyse, convertissant le méthanol en gaz de synthèse pour l’utiliser ensuite dans la réaction d’hydroformylation des oléfines. L’équipe de recherche a conçu un système à deux réacteurs, l’un réalisant la déshydrogénation du méthanol et l’autre l’hydroformylation des oléfines. Sous l’action d’un catalyseur à base de ruthénium (Ru), le méthanol subit une réaction de déshydrogénation acceptorless produisant du CO et du H₂, qui sont ensuite utilisés sous catalyse du rhodium (Rh) pour transformer les oléfines en composés aldéhydiques.

2. Optimisation de la déshydrogénation du méthanol

L’équipe a d’abord optimisé la réaction de déshydrogénation du méthanol. Grâce à l’utilisation du catalyseur au ruthénium (Ru-Macho) à 150°C, le méthanol est efficacement converti en CO et H₂. Pour adapter les conditions à l’hydroformylation, l’équipe a introduit du toluène comme solvant et ajusté la concentration du méthanol dans le système. Les résultats montrent qu’avec 1,5 équivalent de méthanol, le rendement était optimal, le rapport généré H₂:CO était de 2:1, condition idéale pour l’hydroformylation.

3. Développement du système de double catalyse

Après avoir optimisé la déshydrogénation du méthanol, l’équipe a conçu un système à deux réacteurs, associant la déshydrogénation du méthanol et l’hydroformylation. La réaction de déshydrogénation du méthanol a lieu dans le premier réacteur, le gaz de synthèse formé étant transféré dans le second réacteur, où les oléfines subissent l’hydroformylation sous catalyse rhodique. Les résultats expérimentaux prouvent que ce système peut transformer efficacement divers oléfines en aldéhydes correspondants avec une bonne sélectivité linéaire.

4. Gamme de substrats et applications élargies

Pour tester l’universalité du système, l’équipe a examiné de nombreux substrats oléfiniques, notamment des dérivés du styrène, des oléfines aliphatiques, des produits naturels et des précurseurs pharmaceutiques. Les résultats montrent que le système peut convertir efficacement ces oléfines en aldéhydes correspondants avec une bonne tolérance aux groupes fonctionnels. De plus, l’équipe a utilisé du méthanol marqué (méthanol-13C et méthanol-d4) comme source de gaz de synthèse, réussissant à préparer des aldéhydes marqués isotopiquement, fournissant ainsi de nouveaux outils pour les études de métabolisme des médicaments.

5. Application du méthanol vert industriel

Pour vérifier le potentiel industriel du système, l’équipe a utilisé du méthanol vert à usage industriel (Vulcanol) comme source de gaz de synthèse. Vulcanol est un méthanol produit à partir de CO₂ et d’hydrogène vert, issu uniquement de ressources renouvelables. Les expériences montrent qu’avec Vulcanol, le système convertit toujours efficacement les oléfines en aldéhydes, avec une efficacité comparable au méthanol de laboratoire. L’équipe a également mené des expériences à l’échelle du gramme, démontrant la faisabilité industrielle du système.

Conclusion et signification

Cette étude a permis le développement réussi d’un système de double catalyse basé sur le méthanol, transformant le méthanol en gaz de synthèse puis l’utilisant pour l’hydroformylation des oléfines. Ce système convertit non seulement efficacement une large gamme d’oléfines en aldéhydes, mais fait aussi preuve d’une excellente tolérance aux groupes fonctionnels et d’une bonne sélectivité linéaire. En outre, grâce à l’utilisation du méthanol vert industriel, le système montre un fort potentiel pour une application en chimie durable. Cette recherche offre une voie réalisable pour la transition de l’industrie chimique des combustibles fossiles vers les ressources renouvelables et ouvre de nouvelles perspectives pour la synthèse chimique verte du futur.

Points forts de l’étude

  1. Méthanol vert comme source de gaz de synthèse : Cette recherche est la première à utiliser du méthanol vert comme source de gaz de synthèse pour l’hydroformylation des oléfines, montrant son potentiel pour une industrie chimique durable.
  2. Conception d’un système à double catalyse : Grâce à la conception d’un système à deux réacteurs, l’équipe a réussi à combiner la déshydrogénation du méthanol et l’hydroformylation, permettant la synthèse efficace et sélective d’aldéhydes.
  3. Application de marquages isotopiques : L’équipe a réussi à synthétiser des aldéhydes marqués isotopiquement, fournissant ainsi de nouveaux outils pour l’étude du métabolisme des médicaments.
  4. Expériences de mise à l’échelle industrielle : En utilisant du méthanol vert industriel et en réalisant des essais à l’échelle du gramme, l’équipe a prouvé la faisabilité industrielle de ce système.

Autres informations de valeur

L’étude a également examiné la possibilité d’utiliser des intermédiaires de la déshydrogénation du méthanol (tels que le formaldéhyde et le formiate de méthyle) comme substituts du gaz de synthèse. Les expériences ont montré que, bien que ces intermédiaires puissent aussi produire du gaz de synthèse, leur efficacité n’atteint pas celle du méthanol. Cette découverte souligne davantage l’avantage du méthanol en tant que source de gaz de synthèse.

Cette recherche apporte une base scientifique et un support technique importants pour la transition verte de l’industrie chimique et démontre le formidable potentiel du méthanol comme plateforme chimique durable.