Écran fonctionnel identifie RBM42 comme un médiateur de la spécificité de la traduction des ARNm oncogènes

La survenue et le développement du cancer sont étroitement liés à l’expression des oncogènes, et la régulation de l’expression des oncogènes est un processus complexe. Parmi ces mécanismes, le contrôle de la traduction (translation control) joue un rôle de plus en plus reconnu dans l’expression des oncogènes. MYC est un oncogène clé, surexprimé dans de nombreux cancers, en particulier dans l’adénocarcinome canalaire pancréatique (PDAC), où son expression élevée est associée à l’agressivité tumorale et à un mauvais pronostic. Cependant, les mécanismes de régulation traductionnelle de MYC restent mal compris. Pour élucider ces mécanismes, les chercheurs ont mené cette étude visant à identifier, grâce à des techniques de criblage génomique fonctionnel, les facteurs clés régulant la traduction de MYC et à explorer leur rôle dans la tumorigenèse du PDAC.

Source de l’article

Cet article a été réalisé par l’équipe de recherche de Joanna R. Kovalski, Goksu Sarioglu, Vishvak Subramanyam et al. de l’University of California San Francisco, et a été publié en mars 2025 dans la revue Nature Cell Biology, sous le titre Functional screen identifies RBM42 as a mediator of oncogenic mRNA translation specificity.

Déroulé de la recherche

1. Criblage génomique fonctionnel

Les chercheurs ont d’abord conçu une méthode de criblage génomique à l’échelle du génome basée sur l’interférence CRISPR (CRISPRi), visant à identifier les facteurs régulant la traduction de MYC. Ils ont construit un système de rapporteur fluorescent dans des cellules de PDAC, où la région 5’ non traduite (5’ UTR) de MYC dirige l’expression d’une protéine fluorescente verte instable (GFP), tandis qu’une région 5’ UTR minimale dirige l’expression d’une protéine fluorescente rouge instable (mCherry). En utilisant le tri cellulaire activé par fluorescence (FACS), les chercheurs ont criblé les gènes capables de réguler spécifiquement la traduction de MYC.

2. Validation des gènes candidats

Les résultats du criblage ont révélé que la protéine de liaison à l’ARN RBM42 est un facteur clé dans la régulation de la traduction de MYC. Les chercheurs ont montré que la suppression à court terme de RBM42 entraînait une diminution significative des niveaux de protéine MYC, tandis que les niveaux d’ARNm MYC restaient largement inchangés, indiquant que RBM42 influence l’expression de MYC via la régulation traductionnelle. Une analyse plus approfondie par centrifugation sur gradient de sucrose (polysome profiling) a montré qu’après la suppression de RBM42, l’ARNm MYC passait des fractions polysomales aux fractions non traduites, confirmant le rôle de RBM42 dans la régulation de la traduction de MYC.

3. Étude fonctionnelle de RBM42

Pour approfondir la fonction de RBM42, les chercheurs ont utilisé l’analyse d’enrichissement de gènes (GSEA) et ont découvert que la suppression de RBM42 entraînait une diminution significative de l’expression des gènes cibles de MYC. De plus, les chercheurs ont observé que RBM42 était surexprimé dans le PDAC et associé à un mauvais pronostic chez les patients. Par immunohistochimie (IHC), ils ont constaté une augmentation de la localisation cytoplasmique de RBM42 dans les tissus de PDAC, suggérant son rôle important dans la régulation traductionnelle.

4. Mécanisme moléculaire de RBM42

Pour élucider le mécanisme moléculaire par lequel RBM42 régule la traduction de MYC, les chercheurs ont réalisé un séquençage par immunoprécipitation croisée (CLIP-seq), révélant que RBM42 se lie directement à la région 5’ UTR de l’ARNm MYC. Une analyse de la structure de l’ARN après traitement au sulfate de diméthyle (DMS) a montré que la liaison de RBM42 remodelait la structure de la 5’ UTR de MYC, formant une boucle plus ouverte qui facilite la formation du complexe d’initiation de la traduction (PIC). De plus, les chercheurs ont découvert que RBM42 interagit directement avec la sous-unité ribosomale 40S et le facteur d’initiation de la traduction eIF2β, soutenant davantage son rôle dans l’initiation de la traduction.

5. Validation in vivo

Pour valider le rôle de RBM42 dans la tumorigenèse du PDAC, les chercheurs ont mené des expériences de xénogreffe sur des modèles murins. Les résultats ont montré que la suppression de RBM42 inhibait significativement la croissance tumorale du PDAC, tandis que l’expression forcée de MYC permettait de restaurer partiellement cette croissance, indiquant que RBM42 joue un rôle crucial dans la tumorigenèse du PDAC via la régulation de la traduction de MYC.

Principaux résultats

  1. RBM42 est un facteur clé dans la régulation de la traduction de MYC : Grâce au criblage CRISPRi, les chercheurs ont identifié RBM42 comme un facteur clé régulant la traduction de MYC, et ont validé son rôle par diverses expériences.
  2. RBM42 favorise la traduction en remodelant la structure de la 5’ UTR de MYC : Les analyses CLIP-seq et DMS-seq ont montré que la liaison de RBM42 remodelait la structure de la 5’ UTR de MYC, facilitant la formation du complexe d’initiation de la traduction.
  3. RBM42 interagit avec les ribosomes et les facteurs d’initiation de la traduction : L’immunoprécipitation et la spectrométrie de masse ont révélé que RBM42 interagit directement avec la sous-unité ribosomale 40S et eIF2β, soutenant son rôle dans l’initiation de la traduction.
  4. RBM42 joue un rôle crucial dans la tumorigenèse du PDAC : Les expériences in vivo ont montré que la suppression de RBM42 inhibait significativement la croissance tumorale du PDAC, tandis que l’expression forcée de MYC permettait de restaurer partiellement cette croissance.

Conclusion

Cette étude a révélé le rôle clé de RBM42 dans la régulation de la traduction de MYC et a élucidé son mécanisme moléculaire par lequel il favorise l’initiation de la traduction en remodelant la structure de la 5’ UTR de MYC. De plus, les résultats montrent que RBM42 joue un rôle important dans la tumorigenèse du PDAC, offrant de nouvelles perspectives pour le traitement ciblé du PDAC via RBM42.

Points forts de l’étude

  1. Méthode de criblage innovante : Les chercheurs ont développé une méthode de criblage génomique fonctionnel basée sur CRISPRi, permettant d’identifier avec succès les facteurs clés régulant la traduction de MYC.
  2. Mécanisme de régulation traductionnelle de RBM42 : L’étude a pour la première fois révélé que RBM42 favorise l’initiation de la traduction en remodelant la structure de la 5’ UTR de MYC.
  3. Signification clinique de RBM42 : L’étude montre que RBM42 est surexprimé dans le PDAC et associé à un mauvais pronostic, offrant une nouvelle cible thérapeutique pour le PDAC.

Valeur de l’étude

Cette étude approfondit notre compréhension des mécanismes de régulation traductionnelle des oncogènes et offre une nouvelle cible pour le traitement du PDAC. En révélant le rôle clé de RBM42 dans la régulation de la traduction de MYC, les chercheurs ont jeté les bases pour le développement de stratégies thérapeutiques ciblant RBM42 dans le PDAC. De plus, les méthodes innovantes de criblage et les études de mécanismes moléculaires fournissent des références pour les recherches futures sur la régulation traductionnelle d’autres oncogènes.