Les thérapies ciblant le système endocrinien modifient le microbiote mammaire pour réduire le risque de cancer du sein à récepteur des œstrogènes positif

Explorer l’impact des thérapies ciblées hormonales sur le microbiome du tissu mammaire et son potentiel dans la prévention et le traitement du cancer du sein

Le cancer du sein est l’un des types de cancer les plus fréquemment diagnostiqués chez les femmes. Malgré des progrès significatifs dans les techniques de diagnostic et de traitement, le taux de mortalité reste élevé, avec plus de 40 000 décès chaque année rien qu’aux États-Unis. Parmi les sous-types de cancer du sein, le cancer du sein à récepteurs hormonaux positifs (hormone receptor-positive breast cancer) représente 60 % à 70 % de tous les cas, en raison de l’expression des récepteurs aux œstrogènes (estrogen receptor, ER) et/ou des récepteurs de la progestérone, ce qui en fait un sujet central de recherche. Des études récentes suggèrent que le tissu mammaire abrite un microbiome distinct et modulable, qui pourrait jouer un rôle clé dans la régulation de la croissance tumorale et de la réponse aux traitements.

Cette étude, basée sur ces observations, vise à explorer la diversité du microbiome des tissus mammaires, ses fonctions métaboliques et son lien avec le risque de développement du cancer du sein ainsi que la réaction aux thérapies endocriniennes. Réalisée par Katherine L. Cook et ses collaborateurs à l’Université Wake Forest, cette recherche a été publiée le 21 janvier 2025 dans Cell Reports Medicine, sous le titre : “Endocrine-targeting therapies shift the breast microbiome to reduce estrogen receptor-a breast cancer risk”.

Contexte et objectifs de l’étude

Des preuves récentes indiquent que le tissu mammaire n’est pas stérile et héberge un microbiome riche, dont la composition pourrait influencer l’incidence et le traitement du cancer du sein. Par exemple, la dysbiose du microbiome mammaire pourrait être liée à l’inflammation, aux mécanismes d’évasion du système immunitaire, et à l’instabilité génétique — autant de processus favorisant la carcinogénèse. Cependant, il reste à élucider comment les thérapies hormonales comme le Tamoxifène (Tamoxifen) influencent le microbiome du sein et, indirectement, la tumorigenèse et l’efficacité thérapeutique. À travers diverses approches expérimentales, cet article explore ces aspects via des analyses de la composition microbienne, des mécanismes métaboliques et de leurs impacts sur la prévention du cancer du sein.

Méthodologie de la recherche

Population étudiée et conception globale

L’étude inclut plusieurs niveaux d’expérimentation, comprenant des modèles animaux (souris et primates non humains ovariectomisés), des analyses histologiques, des études de génomique microbienne, des évaluations métabolomiques et des tests cellulaires.

1. Effet du Tamoxifène sur la composition du microbiome mammaire

Les chercheurs ont d’abord étudié les effets du Tamoxifène chez des primates non humains ovariectomisés (modèle de ménopause). À l’aide du séquençage de l’ADN (16S rRNA), ils ont analysé la composition microscopique des tissus mammaires et mis en évidence que le Tamoxifène modifiait significativement la diversité β du microbiome mammaire. En particulier, une augmentation des proportions de Lactobacillus spp. (bactéries probiotiques) a été observée, tandis que celles des Proteobacteria n’ont pas montré de changement significatif. Enfin, l’immunohistochimie a révélé que les bactéries LTA-positives (Gram-positives) augmentaient de manière significative dans les tissus traités au Tamoxifène, tandis que les bactéries LPS-positives (Gram-négatives) ne subissaient pas de modification notable.

2. Interactions entre régime alimentaire, microbiome et médicaments

Afin d’explorer les interactions entre les régimes alimentaires et le Tamoxifène sur le microbiome mammaire, un modèle murin a été utilisé avec des régimes alimentaires contrastés (alimentation saine versus régime occidental). Chez les souris ayant une alimentation saine, le Tamoxifène a augmenté la proportion de Lactobacillus, tandis que chez celles suivant un régime occidental, les proportions de Proteobacteria ont augmenté. Ces résultats montrent que le régime alimentaire joue un rôle clé dans les effets induits par les médicaments sur la diversité microbienne.

3. Effets de l’injection locale de probiotiques sur le risque tumoral

La question de l’influence d’une injection de probiotiques dans le tissu mammaire sur le risque de développement tumoral a été explorée via un modèle murin (B6.MMVT-PyMT). Les observations ont montré que l’injection de probiotiques comme Lactobacillus réduisait significativement le nombre de tumeurs et augmentait la survie. Ces modifications microbiennes locales s’accompagnent également de variations d’expression des gènes métaboliques associés, in fine affectant la prolifération tumorale.

4. Expériences cellulaires et analyse métabolomique

Les chercheurs ont ensuite étudié les métabolites sécrétés par les probiotiques et leurs effets sur les cellules mammaires normales (ligne cellulaire S1) et les lignées cancéreuses ER+ (MCF-7 et ZR-75-1). Les résultats révèlent que les métabolites des probiotiques augmentent la respiration mitochondriale et l’activité glycolytique dans les cellules normales, tout en supprimant spécifiquement la consommation d’oxygène dans les cellules cancéreuses. En outre, des métabolites probiotiques comme le tréhalose ont démontré une inhibition de la croissance tumorale, tant in vitro qu’in vivo.

Conclusions principales

L’étude a abouti aux conclusions suivantes :
1. Les thérapies ciblées hormonales, comme le Tamoxifène, modulent le microbiome mammaire, notamment en augmentant les proportions de Lactobacillus et Streptococcus, réduisant ainsi potentiellement le risque de cancer du sein.
2. Les injections locales de probiotiques dans les tissus mammaires constituent une approche prometteuse pour réduire les risques tumoraux.
3. Les métabolites sécrétés par ces probiotiques régulent positivement le métabolisme des cellules mammaires normales tout en inhibant le métabolisme des cellules cancéreuses.
4. Les associations entre Tamoxifène et probiotiques présentent un potentiel pour des stratégies thérapeutiques combinatoires.

Signification et implications de l’étude

En mettant en lumière le rôle du microbiome mammaire comme cible thérapeutique, cette étude ouvre de nouvelles perspectives pour la prévention et le traitement du cancer du sein. Elle montre également les interactions complexes entre traitements hormonaux et populations microbiennes locales. Plus important encore, l’application inédite et ciblée de probiotiques dans les tissus mammaires pourrait révolutionner les approches de la médecine personnalisée et les stratégies préventives.

L’étude identifie également des lacunes à combler dans les recherches futures, comme l’exploration de la colonisation des tissus mammaires par des probiotiques administrés par voie orale et l’analyse des mécanismes de transformation des métabolites. Ces recherches complémentaires pourraient ouvrir la voie à de nouvelles découvertes dans le traitement du cancer.