La thérapie hormonale améliore l'efficacité de l'anti-PD1 dans le cancer du sein avancé récepteur aux œstrogènes positif et HER2 négatif chez les femmes préménopausées

Le traitement hormonal améliore l’efficacité de l’antipd-1 : une percée pour le cancer du sein avancé ER+/HER2−

Contexte : Pourquoi cette étude a-t-elle été menée ?

Ces dernières années, l’immunothérapie contre le cancer a accompli des progrès révolutionnaires, mais son efficacité majeure se concentre sur les « tumeurs chaudes » (hot tumors) présentant un niveau élevé d’infiltration immunitaire, comme le cancer du sein triple négatif (triple-negative breast cancer, TNBC). Cependant, pour le sous-type ER+/HER2− du cancer du sein avancé ou métastatique (metastatic breast cancer, MBC), le taux de réponse à l’immunothérapie reste faible. Cela s’explique principalement par une charge mutationnelle tumorale (tumor mutational burden, TMB) faible, une rareté des lymphocytes infiltrants tumoraux (tumor-infiltrating lymphocytes, TILs) et une faible expression de PD-L1 (programmable death-ligand 1). Le sous-type ER+/HER2− est ainsi souvent considéré comme une « tumeur froide » (cold tumor), donc peu réceptive aux traitements immunologiques.

Face à ce constat, une question naturelle se pose : l’utilisation combinée de traitements hormonaux et d’immunothérapies pourrait-elle surmonter ces limitations ? L’effet de l’œstrogène sur les cellules cancéreuses du sein, mais également sur le microenvironnement tumoral, introduit l’idée que le traitement anti-œstrogènes pourrait réduire l’immunosuppression et rendre le microenvironnement immunitaire plus actif. L’hypothèse centrale de cette étude est que l’association d’un anticorps anti-PD-1 avec une thérapie hormonale pourrait améliorer les réponses thérapeutiques chez les patientes atteintes de MBC ER+/HER2−. C’est pour tester cette hypothèse que cette étude a été réalisée.

Sources et informations sur la publication

Cette étude de percée a été réalisée par I-Chun Chen, Ching-Hung Lin et leurs collègues, provenant principalement du National Taiwan University Cancer Center et du National Taiwan University Hospital. Elle a été publiée dans le volume 6 du Cell Reports Medicine, daté du 21 janvier 2025. Le DOI de l’article est 10.1016/j.xcrm.2024.101879.

Conception et déroulement de l’étude : Essai clinique combinant hormonothérapie et immunothérapie

Cette étude a été conçue comme un essai clinique de phase I-b/II à un seul centre et en ouvert, évaluant l’efficacité de la combinaison d’un anticorps anti-PD-1 (pembrolizumab), d’un inhibiteur de l’aromatase (exemestane) et d’un agoniste de la GnRH (leuprolide). Voici un aperçu détaillé des étapes expérimentales de l’étude :

(a) Étapes et détails expérimentaux

  1. Sélection et inclusion des patientes

    • 39 patientes ont été initialement triées, parmi lesquelles 16 ont été incluses dans l’étude et 15 ont reçu au moins une dose du traitement étudié. Ces patientes étaient pré-ménopausées, atteintes d’un MBC ER+/HER2− et avaient échoué à une ou deux lignes de thérapie hormonale.
    • Les principales raisons d’exclusion comprenaient la positivité à l’antigène de surface de l’hépatite B, l’impossibilité de mesurer les lésions, ou un dépassement du seuil de deux lignes antérieures de traitements.
  2. Protocole thérapeutique

    • Pendant un cycle de traitement de 28 jours, le pembrolizumab était administré par voie intraveineuse aux jours 1 et 15 (à une dose ajustée de 100 à 150 mg). Parallèlement, l’exemestane (25 mg par jour) était donné par voie orale, et le leuprolide (3,75 mg) par injection sous-cutanée au jour 1.
    • Les traitements se poursuivaient jusqu’à progression de la maladie, toxicité inacceptable ou retrait volontaire de la patiente.
  3. Prélèvements et analyses tumoraux

    • Des échantillons tumoraux étaient prélevés avant le traitement, au début du troisième cycle, puis après la fin de l’étude. Ces échantillons ont été étudiés via l’immunohistochimie (IHC), le séquençage ARN (RNA sequencing) et la plateforme Nanostring.
  4. Séquençage ARN et analyse bioinformatique

    • Les ARN étaient extrais puis analysés sur la plateforme Illumina NovaSeq 6000 avec un mode de séquençage 150 pb en double brin.
    • L’alignement était réalisé avec STAR, les gènes différentiellement exprimés (DEGs) étaient identifiés et des analyses GSEA (Gene Set Enrichment Analysis) étaient effectuées pour identifier les voies biologiques associées.
  5. Objectifs expérimentaux

    • Les marqueurs clés étudiés incluaient : la charge mutationnelle tumorale (TMB), le pourcentage de lymphocytes infiltrant la tumeur (TILs) et l’expression de PD-L1. Les données des gènes immunitaires significatifs ont été quantifiées via la plateforme Nanostring.

(b) Résultats principaux

  1. Efficacité clinique

    • Parmi les 14 patientes évaluables, le taux de survie sans progression (PFS) à 8 mois atteignait 64,3 %, avec une PFS médiane de 10,1 mois.
    • Le taux global de réponse objective (ORR) s’élevait à 35,7 %, tandis que le bénéfice clinique global (incluant les réponses partielles et les maladies stabilisées) atteignait 85,7 %.
  2. Modification du microenvironnement immunitaire

    • L’analyse via Nanostring a démontré qu’après traitement, l’abondance des cellules immunitaires spécifiques (CD56dim NK et cellules Th1) augmentait significativement, ainsi que l’expression des gènes d’immunité majeurs (comme les molécules MHCI et les récepteurs des cellules T).
    • Les analyses différentielles ont révélé que les réponses cliniques positives étaient fortement corrélées à l’expression de certains gènes (par exemple, CCDC74A, VSTM2A).
  3. Rôle des biomarqueurs immunosuppresseurs

    • Bien que la plupart des patientes présentaient des niveaux de PD-L1 faibles ( %), une bonne partie des participantes a néanmoins répondu positivement au traitement, suggérant que PD-L1 seul ne suffit pas à prévoir l’efficacité.
    • De même, le faible TMB n’a pas empêché l’efficacité du traitement combiné.

© Conclusions et implications

Cette étude montre que l’association entre un anticorps anti-PD-1 et une thérapie hormonale peut considérablement améliorer l’efficacité thérapeutique pour les patientes ER+/HER2−. Ce traitement combiné surmonte les limites des thérapies hormonales ou immunothérapies prises séparément, en provoquant une activation substantielle de l’environnement tumoral immunitaire.

Elle soutient l’idée que l’immunothérapie combinée peut transformer des « tumeurs froides » en « tumeurs immunoactives », ouvrant la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques.

(d) Points forts de l’étude

  1. Une stratégie innovante : Exploration de la combinaison hormonothérapie/immunothérapie pour les cancers ER+/HER2−.
  2. Grande efficacité clinique : Amélioration significative des taux de réponse et de survie versus données historiques similaires.
  3. Activation évidente du microenvironnement tumoral : Augmentation des TILs et montée des signaux immunogéniques.

(e) Autres informations clés

L’étude a inclus des outils d’analyse de pointe, notamment le séquençage ARN et les analyses d’expression Nanostring, pour relier les réponses cliniques aux changements immunitaires. Ces approches fournissent un cadre prometteur pour traiter les « tumeurs froides ».

Conclusion

Cette étude constitue une avancée majeure dans le domaine des cancers ER+/HER2−. En combinant la modulation immunitaire des thérapies hormonales avec les mécanismes d’inhibition des immunothérapies, elle fournit une solution innovante. Ce traitement combiné établit ainsi un point de départ scientifique essentiel pour transformer la pratique clinique dans les tumeurs difficiles à traiter.